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Histoire de Watten
La situation
géographique de Watten, qui compte actuellement 2 819 habitants,
a été pour elle une cause déterminante de grandeur
et de prospérité.
Placé à la frontière de la Flandre et de l'Artois
et des départements du Nord et du Pas-de-Calais, ce "col"
de la vallée de l'Aa, resserré entre deux collines couvertes
de forêts, forme un passage naturel, "porte" de la plaine
maritime flamande vers Saint-Omer et l'intérieur de la Flandre.
Le nom de Watten pourrait venir du flamand : WAETEN, GAETE, GAT, que l'on
peut rapprocher de l'origine saxonne et anglaise : WADE, GATE.
Jusqu'au VIIe siècle, la mer du Nord couvrait l'ensemble du pays
que forme aujourd'hui la plaine maritime flamande.
Saint-Omer, appelé alors Sithiu, se trouvait au fond d'un golfe.
La côte descendait de Guines par Ardres et Audruicq, fléchissait
jusqu'à Watten et repartait sur Bergues, Hondschoote, Loo, Dixmude,
en longeant le pied des "monts" de Millam, de Merckeghem, de
Looberghe.
Pour se rendre à Saint-Omer par voie d'eau (la seule praticable,
puisque toutes les terres émergées étaient couvertes
de forêt), il fallait obligatoirement passer entre le promontoire
d'Eperlecques et celui de Watten. La présence, au fond de la vallée,
de la rivière de l'Aa, sera un élément primordial
pour l'essor de Watten.
Le "col" de Watten était alors un détroit marin
; la "montagne", haute de 72 mètres, commandait ce passage.
Celui qui y était établi surveillait à sa guise les
allées et venues entre Saint-Omer et le large.

Ce plateau élevé, un des premiers lieux habités de
nos contrées vit se succéder les Gallo-Celtes (1), puis
les Morins, et, plus tard, la peuplade germanique des Ménapiens.
A l'arrivée des Romains, ces peuplades furent refoulées
sur la rive droite de l'Aa, qu'elles défendirent avec acharnement
pendant deux années. Elles succombèrent toutefois et subirent
la loi de leurs vainqueurs.
Watten offrait aux Romains une position militaire non négligeable.
Après y avoir placé un camp, ils établirent une forteresse
autour de laquelle se groupèrent quelques habitations. La ville
gallo-romaine plantée sur la hauteur de Watten eût une certaine
importance. Une chaussée la reliait à Cassel, centre de
la domination des légions en Morinie.
Lors de l'invasion des Francs, les Romains furent probablement refoulés
à leur tour sur la rive gauche de l'Aa où ils continuèrent
à séjourner. La diversité des langages, parlés
il y a encore peu de temps sur les deux rives de l'Aa, peut le laisser
supposer. Les habitants de Watten eurent à subir à cette
époque, de la part des Germains (2) , les mêmes vicissitudes
que tous les habitants du nord de la Gaule. En 881, envahissant le nord
des Gaules, les Normands trouvèrent une ville florissante.
Watten fut saccagée à tel point que des débris jonchèrent
le sol pendant près de deux siècles. Et c'est au milieu
de colonnes tronquées, de tablettes de marbre brisées, de
ruines envahies de broussailles qu'arrivèrent les moines. Cette
première présence monastique sera d'une importance capitale
pour l'histoire de Watten.
Dès 1045, un ermite, Alphume, s'était retiré dans
les bois qui couronnaient le sommet de la colline. Il y avait construit
une simple chapelle, dédiée à saint Riquier, entouré
de quelques disciples. Cette chapelle, qui ne paraissait guère
avoir d'avenir, sera pourtant à l'origine de l'implantation d'un
important établissement religieux. Vingt-sept ans plus tard, un
prêtre étranger, Olfride, "sorti des limites orientales
de la Flandre", choisit le mont de Watten, qu'il trouvait bien situé,
pour y fonder un monastère. Sous la protection d'un homme riche
et puissant du pays, le seigneur Adam, il commença par affranchir
le lieu de la dépendance de l'abbaye de Bergues-Saint-Winoc. Puis
il s'attira la bienveillance et la protection de l'autorité ecclésiastique
ainsi que celle du pouvoir civil. Il put alors y accueillir, en 1072,
des chanoines de Saint-Augustin, venus du monastère de Saint-Gilles
près de Liège.
L'église de l'abbaye fut dédiée aux saints Nicolas
et Riquier par l'évêque de Thérouanne, Drogon. Le
seigneur Adam fit don des terres, d'argent et d'ornements d'église
imité par le comte de Flandre, Robert le Frison. Ce dernier venait
de remporter à Cassel sur le roi de France, Philippe Ier (3) ,
une victoire qui lui assurait le pouvoir, jusque là contesté.
Pour célébrer cet événement, il prit, à
ses frais, l'entretien à perpétuité de trente chanoines.
Cette tradition de générosité se perpétuera
au sein de la dynastie flamande. |